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1Ce dossier de Formation Emploi porte, d’une part, sur l’organisation de la formation continue aux niveaux à la fois des entreprises et des systèmes nationaux et, d’autre part, sur ses liens avec les parcours professionnels et surtout avec la sécurisation de ces parcours. Ce domaine de recherche est vaste et les contributions à ce dossier apportent des éclairages supplémentaires sur l’offre de formation et sur son impact sur les parcours professionnels, en France, ainsi que des éléments comparatifs qui permettent de situer le contexte français dans une perspective internationale.

2Certaines contributions se centrent sur l’offre de formation continue, y compris sur sa gouvernance (J. Gräbener), sur la gestion de son financement (I. Voirol-Rubido) ou sur l’impact de la conjoncture économique sur les décisions des employeurs de financer la formation de leurs salariés (M. Guergoat-Larivière et C. Perez). D’autres contributions s’intéressent davantage à la question des parcours professionnels, comme celle de B. Cart, V. Henguelle et M.-H. Toutin, qui s’appuie sur le dispositif couplé employé-salarié de l’enquête DIFES2 pour analyser l’impact de la spécificité des compétences sur les départs volontaires et la mobilité sur le marché du travail. Ce dispositif est également exploité pour explorer de manière originale les interrelations, au sein de l’entreprise, entre les pratiques de GRH (gestion des ressources humaines) et l’offre de formation continue et leurs impacts sur les parcours professionnels. E. Melnik-Olive et H. Couprie examinent la relation entre les inégalités de genre dans la promotion et la structure des pratiques de GRH. J. Vero et J.-C. Sigot classent les entreprises en fonction des caractéristiques de leurs systèmes de GRH ; plus précisément, selon le niveau d’information des salariés et leur degré d’influence sur l’offre de formation continue, mais aussi en fonction de la façon dont l’entreprise favorise la promotion et le développement des carrières.

3Nous nous appuyons ici sur les thématiques développées dans les différentes contributions afin d’aborder un ensemble de questions concernant : i) la diversité des formations et des apprentissages, ii) les relations entre la formation continue et l’organisation du travail, iii) et les différences en la matière entre les pays européens.

1 La diversité des formations et des formes d’apprentissage

4L’économie du travail opère une distinction classique entre compétences spécifiques et compétences générales. Les compétences spécifiques à l’entreprise sont utiles seulement dans l’entreprise formatrice, alors que les compétences générales sont transférables aux autres entreprises en concurrence sur le marché.

  • 1 Pour la méthodologie de l’enquête STEP voir : Pierre G., Sanchez Puerta M. L., Valerio A., Rajadel (...)

5Cette distinction s’avère utile pour analyser le rapport entre la formation et la mobilité sur le marché du travail ; cependant, nous nous centrons ici sur une autre distinction, qui recouvre en partie celle entre compétences spécifiques et générales, soit la distinction entre les compétences génériques et les compétences professionnelles spécifiques. Cette dernière distinction a fait l’objet d’une attention particulière dans les enquêtes récentes sur les compétences des adultes, notamment dans deux enquêtes menées au niveau employeur : « Skills Towards Employability and Productivity » (STEP) de la Banque Mondiale et ‘UK Employer Survey on Skills’ (UKCES), ainsi que dans deux enquêtes conduites au niveau de l’individu : l’enquête PIAAC (programme pour l’évaluation internationale des compétences des adultes) de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) et celle du British Skills and Employment Survey.1

6Les compétences génériques sont définies comme transférables et ayant une certaine utilité dans n’importe quelle entreprise. Les compétences professionnelles spécifiques sont elles spécifiques à une catégorie professionnelle et peuvent varier considérablement pour la même profession entre les différents secteurs d’activité. Les compétences génériques identifiées dans ces enquêtes englobent la lecture, l’écriture, les mathématiques, l’utilisation des technologies de l’information et de la communication, la collaboration et la coopération, la planification du travail et de l’emploi du temps pour soi et pour les autres, la communication et la négociation, le contact avec le client, la capacité à apprendre et la capacité à résoudre les problèmes en situation de travail.

7L’accent mis sur la mesure des compétences génériques dans ces enquêtes s’explique en partie par le souci de développer des indicateurs harmonisés qui soient valides indépendamment de la taille de la firme, du secteur d’activité et pour les enquêtes PIACC et STEP, du pays. Il s’avère que ces compétences se sont accrues. Pour l’Angleterre, sur la base de plusieurs vagues de l’enquête British Skills and Employment Survey, Green (2012) a montré l’essor des compétences en matière de communication et d’influence, entre 1997 et 2006. Concernant la capacité des employeurs à résoudre les problèmes liés à l’inadéquation des compétences ou à un déficit des compétences des travailleurs, il semblerait que la capacité générique d’apprendre des salariés soit aussi importante que le fait de posséder des compétences professionnelles spécifiques à l’entreprise, puisque ces dernières pourront s’acquérir en situation du travail.

8Une question centrale, encore insuffisamment abordée dans la littérature, concerne l’intensité avec laquelle ces compétences génériques peuvent être transmises par le biais de cours, de séminaires ou encore sous d’autres formes encadrées d’apprentissage en situation de travail (Hyland & Johnson, 1998 ; Kemp & Seagraves, 1995). Hormis la lecture, l’écriture, les mathématiques et l’utilisation des technologies de l’information et de la communication, certaines de ces compétences génériques, notamment les compétences en matière de communication, d’influence ou de collaboration, sont difficiles ou même impossibles à transmettre en cours ou en séminaires. Seule l’expérience professionnelle permet de les acquérir. Pour les mêmes raisons, il est difficile, voire impossible de certifier ces compétences. L’importance accordée par les employeurs à ces diverses compétences génériques pourrait expliquer le recours au réseau informel et au bouche-à-oreille dans leurs recrutements (Franzen and Hangartner, 2006 ; Van Hoye & Lievens 2009).

9Les résultats de l’enquête européenne CVTS4 (2010) valident ces constats. L’examen des réponses aux questions posées aux employeurs sur les compétences perçues comme importantes et sur les compétences ciblées par les cours de formation continue révèle ainsi que 61 % des employeurs considèrent que les compétences techniques, pratiques ou spécifiques au travail sont importantes, que 62 % d’entre eux estiment que les compétences en matière de contact avec le client le sont. En outre, 61 % des employeurs considèrent que les compétences en matière de collaboration et de coopération sont importantes, pour 52 % qui estiment que les compétences en matière de résolution de problèmes le sont.

10Quant aux compétences délivrées en formation continue, les employeurs privilégient surtout les compétences spécifiques techniques ou pratiques, au détriment des compétences génériques. Ainsi, 67 % des employeurs déclarent que les formations internes et externes visaient l’acquisition de compétences techniques, pratiques ou spécifiques au travail, contre seulement 37 % qui déclarent un objectif d’acquisition de compétences en matière de contact avec le client, 31 % en matière de collaboration et 27 % en matière de résolution de problème.

2 La relation entre l’organisation du travail et la formation continue

11S’il est vrai que plusieurs compétences parmi les plus essentielles sur le marché du travail ne pourront être acquises que grâce à l’expérience professionnelle, il convient d’examiner les conditions déterminant les opportunités d’apprentissage dans l’activité professionnelle quotidienne. L’accès aux opportunités d’apprentissage informel pourra avoir un impact significatif sur le développement des compétences et sur la sécurisation des parcours professionnels. Par ailleurs, s’agissant de la question de l’inadéquation des compétences, qui a fait l’objet d’une attention particulière dans les débats politiques récents (CEDEFOP, 2010 ; ILO, 2014 ; McGowan M.A. & D. Andrews, OECD, 2015), une organisation du travail favorisant l’apprentissage et l’adaptation informels semble aussi importante que l’accès aux formes plus formelles de formation continue.

12La recherche collaborative menée avec Antoine Valeyre nous a permis d’étudier les différences dans l’accès aux opportunités d’apprentissage informel dans les pays de l’Union européenne. En nous appuyant sur les résultats de l’enquête européenne sur les conditions de travail, nous avons montré que l’importance de ce que nous appelons la classe d’organisation du travail « apprenante » (Lorenz et Valeyre, 2005) diffère de façon significative selon les pays.

13Elle se caractérise par l’autonomie procédurale et l’importance du contenu cognitif du travail (apprentissage dans le travail, résolution de problèmes, complexité des tâches) et, dans une moindre mesure, par l’autocontrôle de la gestion de la qualité et par le faible niveau des contraintes de rythme, de monotonie et de répétitivité du travail. Elle constitue une classe d’organisation du travail qui s’apparente au modèle sociotechnique suédois, fondé sur le principe d’équipes autonomes de travail qui s’auto-organisent pour réaliser les objectifs fixés avec la hiérarchie, et dont les membres sont polyvalents sur l’ensemble des tâches.

14L’accent mis ici sur l’importance de l’organisation du travail dans le développement des compétences ne signifie pas pour autant qu’il faille se désintéresser des formes relativement formelles de la formation continue, notamment des formes encadrées d’apprentissage en situation de travail. La littérature sur les complémentarités dans les pratiques de GRH révèle que l’organisation du travail et la formation continue sont complémentaires.

15Ceci s’avère évident dans le cas des compétences génériques en matière d’apprentissage, ce qui aura un impact sur la capacité du salarié à développer ses compétences techniques et spécifiques à l’entreprise. De façon générale, les compétences génériques en matière de communication et de coopération influeront sur la capacité des salariés à utiliser efficacement leurs compétences professionnelles spécifiques. Cette complémentarité est confirmée par les résultats de l’analyse de la classification de J. Vero et J.-C. Sigot, présentée dans ce dossier. Par ailleurs, nous avons identifié une corrélation entre la participation des travailleurs au sein des formes d’organisation du travail apprenantes et la probabilité d’avoir accès à la formation continue délivrée par l’employeur (Lorenz et Valeyre, 2005 ; Valeyre et al., 2009).

3 Les différences internationales en matière d’inégalité dans l’accès à la formation continue

  • 2 C’est notamment le cas pour France. Une rupture de série dans la mesure de l’EU-LFS montre une augm (...)

16Les résultats des enquêtes européennes sur la force de travail (EU-LFS), ceux de l’enquête européenne sur la formation continue (CVTS), et de l’enquête européenne sur la formation des adultes (AES) pointent des différences significatives entre les pays européens en matière de participation des adultes à la formation continue. Alors que les ruptures de série résultant des changements dans les définitions des mesures pourraient fragiliser les comparaisons temporelles2, du point de vue comparatif, il existe des différences persistantes entre les pays européens.

17Le niveau de participation des adultes est relativement élevé dans les pays nordiques et aux Pays-Bas, relativement moyen dans les pays de l’Europe de l’Ouest continentale, notamment la France, et relativement bas dans les pays du sud de l’Europe (CEDEFOP, 2016, p. 59).

18Il est intéressant de noter que si la recherche en matière de développement des taxonomies des systèmes d’éducation et de formation initiale est abondante, rares sont les travaux portant sur une classification des systèmes de formation continue ou sur leurs relations avec les systèmes d’éducation et de formation initiale. Le travail de F. Aventur (1999) constitue une exception en la matière.

19Quant aux systèmes d’éducation et de formation initiale, une des classifications les plus citées est celle développée dans la littérature sur la diversité des systèmes capitalistes (Hall et Soskice, 2000 ; Iversen et Soskice, 2001). La recherche d’Iversen et Soskice (2001) s’appuie sur la distinction entre les compétences spécifiques et générales et sur le rôle d’assurance dévolu aux dépenses de protection sociale. Cette distinction est pertinente s’agissant de la question de la sécurisation des parcours, traitée dans ce dossier. L’idée centrale développée par Iversen et Soskice (2010) est que dans les pays dotés de systèmes de formation professionnelle initiale solides et qui favorisent l’acquisition de compétences spécifiques, la demande en matière de dépenses de protection sociale sera élevée. Il s’agit en effet de protéger les ouvriers, et surtout les ouvriers qualifiés, contre la perte de revenu liée au chômage et la pression éventuelle subie pour accepter un travail moins bien rémunéré et qui ne valorise pas leurs compétences spécifiques.

20Les auteurs classent les pays nordiques et de l’Europe de l’Ouest continentale dans cette catégorie, nommée « les économies du marché coordonné ». Les systèmes nationaux qui connaissent un faible développement de la formation professionnelle, mais un fort développement du système d’éducation générale favorisent l’acquisition des compétences générales et transférables. Dans ce cas, pour les classes moyenne et moyenne supérieure, l’inconvénient que représente le coût de la protection sociale l’emporte sur ses avantages, étant donné que la valeur de leurs compétences générales est préservée en cas de perte d’emploi. En effet, dans ces pays, le niveau de dépenses en matière de protection sociale et surtout de protection contre le chômage est relativement faible ; dès lors, le marché du travail y est polarisé entre un groupe de salariés relativement bien rémunérés, possédant les compétences générales acquises dans les établissements d’enseignement supérieur, et un groupe de salariés aux emplois mal rémunérés, sans avenir, et pour lesquels les possibilités de développement des compétences professionnelles spécifiques sont faibles. L’exemple type de ce modèle est les Etats-Unis. Ce modèle est également utilisé pour classer la Grande Bretagne et l’Irlande. Les économies de ces pays sont qualifiées « déconomies du marché libéral ».

21Des recherches plus récentes arguent que la classification dichotomique entre les économies du « marché libéral » et du « marché coordonné » est trop simple et qu’il convient d’opérer une distinction entre les pays nordiques et les pays de l’Europe de l’Ouest continentale, notamment l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique et vraisemblablement la France et l’Italie (Busemeyer, 2009 ; Iversen et Stephens, 2008). Iversen et Stephen considèrent que les pays nordiques, pour des raisons liées à la gouvernance socio-démocrate – basée sur une coalition du centre-gauche entre les travailleurs qualifiés et non-qualifiés – se caractérisent par une redistribution massive concrétisée, en partie, par un niveau élevé de dépenses en matière de reconversion professionnelle et par une politique active sur le marché du travail. Dans ce contexte, le marché du travail a évolué vers le modèle de « flexicurité », caractérisé par un essor des compétences professionnelles spécifiques et par un régime de protection sociale avec des allocations chômage élevées. Le niveau de protection contre les licenciements y est relativement faible comparé aux pays de l’Europe de l’Ouest continentale, pour lesquels l’accès aux allocations chômage dépend des revenus ou de l’activité professionnelle. Le fort taux de participation des adultes à la formation continue liée au travail et assumée par l’employeur dans les pays tels que le Danemark, la Suède et la Norvège pourrait s’interpréter comme une caractéristique du modèle nordique. Par comparaison avec les économies du marché libéral telles que l’Irlande et l’Angleterre, on s’attendrait à ce que les dépenses de formation continue soient relativement élevées dans les pays nordiques et dans les pays de l’Europe de l’Ouest continentale. C’est le cas pour l’Irlande et, dans une moindre mesure, pour l’Angleterre. Néanmoins, il est intéressant d’observer qu’en s’appuyant sur les résultats de l’enquête européenne sur l’éducation des adultes (AES, 2011)3 et en distinguant la formation formelle - dans le sens de l’éducation à temps plein dans une institution délivrant des diplômes - de la formation non-formelle, la proportion d’adultes engagés dans la formation formelle est plus élevée en Angleterre que dans d’autres pays membres de l’EU-15 (CEDEFOP, 2016, p. 58). La formation formelle joue un rôle central dans l’éducation générale de la « deuxième chance », alors que la formation non-formelle est principalement liée au travail et assumée par l’employeur. En Angleterre, le recours relativement élevé à la formation formelle visant l’acquisition des compétences générales semble cohérent avec les distinctions opérées dans la littérature sur la diversité des systèmes capitalistes.

22Bien que ces réflexions ne fournissent pas d’éléments en faveur d’une taxonomie des systèmes de formation continue, elles suggèrent que la fréquence et la composition de la formation continue pourraient être liées aux caractéristiques du système d’éducation et de formation initiale. Afin de mieux saisir les facteurs pouvant expliquer les différences en matière de formation continue entre les pays, nous proposons de revenir brièvement sur la question du rapport entre l’organisation du travail et l’accès à la formation continue.

23Au lieu de nous centrer sur le taux de participation des adultes, nous nous intéressons aux inégalités dans l’accès à la formation en fonction de la position du salarié dans la hiérarchie professionnelle. à cet effet, nous nous appuyons sur les résultats 2010 de l’enquête européenne sur les conditions du travail (EWCS). Il s’agit de mettre au jour la taxonomie des formes d’organisation du travail développée dans Lorenz et Valeyre (2005) et de saisir la proportion de salariés concernés par les formes d’organisation du travail « apprenantes », ces dernières se caractérisant par l’autonomie procédurale et l’importance du contenu cognitif du travail (apprentissage dans le travail, résolution de problèmes, complexité des tâches). L’analyse porte sur la population des actifs salariés des établissements d’au moins dix personnes, travaillant dans les secteurs d’activités économiques à dominante marchande et non agricole ou domestique.

24Les résultats sont ventilés selon que le salarié est classé comme cadre, membre des professions libérales ou technicien, d’une part, ou comme ouvrier de l’artisanat ou de l’industrie, d’autre part. Nous construisons une mesure simple d’inégalité dans l’accès aux formes apprenantes d’organisation du travail. Pour ce faire, nous divisons la part de salariés dans le groupe des ouvriers de l’artisanat et de l’industrie ayant accès aux formes apprenantes par la part des salariés du groupe de cadres, de professions libérales et de techniciens bénéficiant de cet accès. Une valeur de ce rapport proche de 1 signifie qu’il y a une quasi-égalité d’accès, alors qu’une valeur proche de 0 correspond à un fort taux d’inégalité. Une mesure équivalente de l’inégalité dans l’accès à la formation continue est construite à partir des réponses aux questions dans l’enquête concernant la participation ou non du salarié à la formation initiée par l’employeur, y compris la formation en situation de travail.

25Les colonnes 2 et 4 du Tableau 1 présentent, respectivement, les pourcentages de l’ensemble des salariés ayant accès aux formes apprenantes d’organisation du travail et à la formation continue assumée par l’employeur. Les colonnes 3 et 5 présentent les mesures d’inégalité correspondantes.

Tableau 1 : Pourcentage des salariés ayant accès aux organisations du travail apprenantes et à la formation continue et mesures d’inégalité correspondantes, 2010

Tableau 1 : Pourcentage des salariés ayant accès aux organisations du travail apprenantes et à la formation continue et mesures d’inégalité correspondantes, 2010

Exemple de lecture : Au Danemark, 68,73 % des salariés ont accès aux formes d’organisation du travail apprenantes et 68,79 % ont accès à la formation continue. La mesure de l’inégalité dans l’accès aux formes d’organisation du travail apprenantes est de 0,608 et la mesure d’inégalité dans l’accès à la formation continue de 0,954.

Source : 5ième Enquête européenne sur les Conditions du Travail, EUROFOUND, Dublin et calculs de l’auteur (données pondérées).

26Les chiffres du Tableau 1 montrent le niveau relativement élevé de participation des adultes à la formation continue dans les pays nordiques et le niveau relativement bas qui caractérise la plupart des pays d’Europe du sud. Les pays de l’Europe continentale et les pays Anglo-Saxons se situent à un niveau intermédiaire ; cependant, il est intéressant de noter que les résultats de l’enquête révèlent que les taux de participation des adultes à la formation continue sont plus élevés en Angleterre et en Irlande qu’en Allemagne, en France ou en Belgique.

27Au lieu de nous centrer sur les taux de participation pour l’effectif dans son ensemble, examinons le rapport entre les deux mesures d’inégalité présentées dans les colonnes 3 et 5 du Tableau 1.

Graphique 1 : Les inégalités dans l’accès à la formation continue et dans l’accès aux formes apprenantes de l’organisation du travail

Graphique 1 : Les inégalités dans l’accès à la formation continue et dans l’accès aux formes apprenantes de l’organisation du travail

R2 = 0,69. AUT : Autriche ; BEL : Belgique ; DEU : Allemagne ; DNK : Danemark ; ESP : Espagne ; FIN : Filande ; FRA : France ; GBR : Royaume Uni ; GRC : Grèce ; IRL : Irlande ; ITA : Italie ; LUX : Luxembourg ; NLD : Pays bas ; PRT : Portugal ; SWE : Suède.
Lecture : L’axe horizontal du Graphique 1 représente les valeurs de la mesure d’inégalité dans l’accès à la formation continue, et l’axe vertical les valeurs de la mesure d’inégalité dans l’accès aux formes apprenantes de l’organisation du travail. Par exemple, la France a une valeur de 0,356 sur l’axe vertical, qui mesure l’inégalité dans l’accès aux formes apprenantes du travail, et une valeur de 0,701 sur l’axe horizontal qui mesure l’inégalité dans l’accès à la formation continue.

Source : 5ième Enquête européenne sur les Conditions du Travail, EUROFOUND, Dublin et les calculs de l’auteur.

28Le Graphique 1 montre une relation positive assez forte entre les inégalités dans l’accès à la formation continue et dans l’accès aux formes apprenantes d’organisation du travail. Du point de vue statistique, la variation dans l’accès à la formation continue explique environ 70 % de la variation dans l’accès aux formes d’organisations apprenantes. Cette relation positive entre les inégalités dans l’accès à la formation continue et dans l’accès aux formes apprenantes de l’organisation du travail est loin d’être parfaite. La France, par exemple, se situe en-dessous de la ligne de régression ; cela révèle que le taux d’inégalité dans l’accès aux opportunités d’apprendre de manière informelle dans le travail est plus élevé que celui auquel on aurait pu s’attendre eu égard au taux d’inégalité dans l’accès à la formation continue. Tous les pays nordiques se situent au-dessus de la ligne de régression, ce qui montre que le taux d’inégalité dans l’accès aux opportunités d’apprendre de façon informelle dans le travail est plus faible dans ces pays comparé au taux attendu eu égard au taux d’inégalité dans l’accès à la formation continue. La relation positive entre les inégalités dans l’accès à la formation continue et dans l’accès aux formes apprenantes d’organisations du travail est en cohérence avec l’idée selon laquelle il existe des complémentarités entre l’organisation du travail et l’organisation de la formation continue dans l’entreprise. Au niveau politique, cela suggère que la réforme de la formation continue visant à améliorer l’égalité d’accès sera plus efficace si elle s’accompagne de mesures pour promouvoir le changement organisationnel.

29Bien que cette postface ne permette pas une discussion approfondie autour des possibilités de promouvoir le changement organisationnel grâce à des mesures politiques, il convient tout de même de noter que nombreux sont les programmes régionaux ou nationaux visant à favoriser le changement organisationnel en lien avec d’autres changements dans les pratiques de la GRH, notamment dans l’offre de formation continue.

30Une évaluation comparative menée dans le cadre du projet européen EU WORK-IN-NET a identifié dix programmes nationaux et régionaux dans sept pays européens (Alasoini et al. 2006). Ramstad (2009), dans une étude sur les politiques européennes, liste la Norvège, la Suède et la Finlande parmi les pays leaders en termes de programmes pour le changement et l’innovation organisationnelle. Plus récemment, le réseau européen EUWIN a été créé pour favoriser le transfert des connaissances entre les pays européens en matière de pratiques innovantes relatives à la GRH et à l’organisation du travail.4

31Un des aspects notables des programmes qui existent dans les pays nordiques est que les financements sont attribués à des projets en lien avec l’innovation selon les principes de compétitivité. Au lieu de cibler les entreprises individuelles, la tendance est de cibler les réseaux d’entreprises et d’organisations, notamment les universités techniques, les centres de transfert de technologies et les prestataires de formation professionnelle. Les exemples intéressants concernent, en Finlande, les programmes TYKE (1996-1999), TYKE (2000-2003) et TYKES (2004-2009), et en Norvège, le Programme pour le Développement de l’Entreprise (1994-2001) et son successeur le VC (Création de Valeur) programme (2001-2010) (Gustavsen, 2007). En Suède, VINNOVA (l’Agence suédoise pour les systèmes d’innovation) a financé plusieurs programmes liés à l’organisation du travail et a lancé les appels d’offres dans le cadre des programmes Competent Workplace (2007-2011) et Winning Services (2009–2013) (VINNOVA, 2009).

32Il semble peu pertinent de vouloir exporter intégralement le modèle nordique, ou le modèle de n’importe quel pays. En effet, les systèmes d’éducation et de formation sont insérés dans des systèmes plus larges de gouvernance politique et d’organisation syndicale. Cependant, cet ancrage institutionnel n’exclut pas que les pratiques d’un pays puissent inspirer les initiatives de politique publique d’autres pays, moyennant une adpatation aux contextes locaux. Ainsi, un examen des politiques d’innovation organisationnelle menées dans les pays nordiques pourrait inspirer les initiatives dans d’autres pays, notamment la France, où l’accès aux opportunités d’apprendre de façon informelle dans le travail semble être relativement limité et inégal.

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Bibliographie

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Notes

1 Pour la méthodologie de l’enquête STEP voir : Pierre G., Sanchez Puerta M. L., Valerio A., Rajadel T. (2014). Pour une présentation de l’enquête PIAAC voir : http://www.oecd.org/fr/competences/piaac/ ; et pour le British Skills and Employment Survey voir : http://www.cardiff.ac.uk/research/explore/find-a-project/view/117804-skills-and-employment-survey-2012.

2 C’est notamment le cas pour France. Une rupture de série dans la mesure de l’EU-LFS montre une augmentation du taux de participation des adultes, en France, de 5,7 % en 2012 à 17,8 % en 2013. Voir : http://ec.europa.eu/eurostat/fr/data/database.

3 Pour la méthodologie de l’Adult Education Survey (AES), voir : http://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php/Adult_Education_Survey_(AES)_methodology

4 Voir : http://portal.ukwon.eu/

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Table des illustrations

Titre Tableau 1 : Pourcentage des salariés ayant accès aux organisations du travail apprenantes et à la formation continue et mesures d’inégalité correspondantes, 2010
Légende Exemple de lecture : Au Danemark, 68,73 % des salariés ont accès aux formes d’organisation du travail apprenantes et 68,79 % ont accès à la formation continue. La mesure de l’inégalité dans l’accès aux formes d’organisation du travail apprenantes est de 0,608 et la mesure d’inégalité dans l’accès à la formation continue de 0,954.
Crédits Source : 5ième Enquête européenne sur les Conditions du Travail, EUROFOUND, Dublin et calculs de l’auteur (données pondérées).
URL http://journals.openedition.org/formationemploi/docannexe/image/5033/img-1.png
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Titre Graphique 1 : Les inégalités dans l’accès à la formation continue et dans l’accès aux formes apprenantes de l’organisation du travail
Légende R2 = 0,69. AUT : Autriche ; BEL : Belgique ; DEU : Allemagne ; DNK : Danemark ; ESP : Espagne ; FIN : Filande ; FRA : France ; GBR : Royaume Uni ; GRC : Grèce ; IRL : Irlande ; ITA : Italie ; LUX : Luxembourg ; NLD : Pays bas ; PRT : Portugal ; SWE : Suède. Lecture : L’axe horizontal du Graphique 1 représente les valeurs de la mesure d’inégalité dans l’accès à la formation continue, et l’axe vertical les valeurs de la mesure d’inégalité dans l’accès aux formes apprenantes de l’organisation du travail. Par exemple, la France a une valeur de 0,356 sur l’axe vertical, qui mesure l’inégalité dans l’accès aux formes apprenantes du travail, et une valeur de 0,701 sur l’axe horizontal qui mesure l’inégalité dans l’accès à la formation continue.
URL http://journals.openedition.org/formationemploi/docannexe/image/5033/img-2.jpg
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Pour citer cet article

Référence papier

Edward Lorenz, « Postface »Formation emploi, 137 | 2017, 144-152.

Référence électronique

Edward Lorenz, « Postface »Formation emploi [En ligne], 137 | Janvier-Mars 2017, mis en ligne le 30 avril 2017, consulté le 29 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/formationemploi/5033 ; DOI : https://doi.org/10.4000/formationemploi.5033

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Auteur

Edward Lorenz

Professeur d’économie à l’université de Nice-Sophia Antipolis et Gredeg-CNRS - Groupe de Recherche en Droit, Economie et Gestion
Fr

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Droits d’auteur

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